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Je plains les drapeaux

par Nico Dipolo

Cher Cloud,

Je plains les drapeaux. Exposés à la merci des quatre vents, au froid, à la pluie, à la grisaille sinistre et aux cris des malheureux. Ils n'ont rien demandé, eux, et pourtant, les voici en première ligne, obligés de crier les basses fiertés de ce monde. D'ailleurs, là où il y a de l'orgueil, il y a toujours des drapeaux. Là où il y a besoin d'affirmer le refus de l'autre pour tenter de se sentir quelqu'un, il y a des drapeaux, toujours. Dès que quelqu'un se sent obligé de crier pour se faire une place sur cette Terre, c'est un étendard qu'on hisse fièrement en haut d'une pique. Ces pauvres bouts de toile! Obligés de jouer les épouvantails dans des champs saturés et faire fuir des esprits les douces pensées qu'un frère inspire. Pourquoi eut-il fallu que les idées les plus tendres soient les plus difficiles à apprivoiser, et à garder près de soi?

Oh oui, cher Nuage, je plains les drapeaux. Et pourtant il faut qu'il y en ai partout. J'en ai aperçu un récemment, souffrant des giboulées de l'hiver au sommet d'un magasin. Comme il semblait mince, comme il semblait fin, comme il semblait triste, du haut de sa tige en fer. Dans une immense jungle d'enseignes en tout genre, on lui demandait de chanter plus haut que les autres, de chanter plus fort, mais malgré la noblesse de sa robe, personne pour le regarder, ni même pour le voir. Concertiste fatigué dans un monde de bruit. Réduit à un chant misérable, réduit au silence.

Oh mon cher nuage, je plains les drapeaux. Il faut d'ailleurs toujours qu'on les habille, toujours qu'on les griffe, toujours qu'on les colore, alors qu'il n'y a rien de plus beau qu'un drapeau blanc.

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